Du silence à l’action : le combat de Fatimata pour les femmes et les filles en Mauritanie
Ce soir-là, à Rosso, Fatimata Diallo ne cherchait qu’à acheter du lait frais.
Il y a de cela plusieurs années, elle visitait Rosso, son village natal au Sud de la Mauritanie, accompagnée de sa tante, comme tant d’autres fois. Mais ce qu’elle allait découvrir dans ce quartier à quelques kilomètres du sien changerait le cours de sa vie.
Dans le magasin, elle se souvient avoir aperçu une fillette à peine âgée de huit ans, inconnue d’elle, et son récit demeure chargé d’émotion. La réponse de la tante vint, d’une simplicité presque déroutante : c’était l’épouse d’un enfant de douze ans.
Pour Fatimata, c’est un choc. Elle observe la petite fille, vive et intelligente, piégée dans une situation qu’elle ne comprend sans doute pas elle-même.
Je me disais : il faut faire quelque chose. Mais je n’avais pas les moyens d’agir seule », confie-t-elle aujourd’hui.
Cette nuit-là, le sommeil ne vient pas. Au-delà de ce cas isolé, elle réalise l’ampleur d’un système de pratiques traditionnelles qui prive des enfants de leur enfance et des femmes de leurs droits fondamentaux.
De retour à Nouakchott, Fatimata cherche des réponses. Elle rencontre des acteurs associatifs, étudie les racines profondes de ces pratiques : la pauvreté, la dispersion des familles, l’absence d’éducation. En 2006, elle fonde l’ONG Assistance Éducation (AED), avec une mission claire : créer une synergie des compétences pour un développement durable et harmonieux des populations.En Mauritanie, les violences basées sur le genre demeurent un défi majeur pour la dignité et la sécurité des femmes. La position géographique du pays – à la fois terre d’origine, de transit et d’accueil des migrants – crée des vulnérabilités spécifiques. Les femmes migrantes, particulièrement exposées aux violences sexuelles, à l’exploitation et à la traite, vivent dans un silence imposé par la précarité économique, l’absence de protection légale, et la peur de la stigmatisation.
Face à cette réalité, Fatimata et l’AED déploient des campagnes de sensibilisation dans les quartiers où vivent les migrants, en impliquant les leaders communautaires dans l’élaboration de messages adaptés. « Lors de nos campagnes, plusieurs personnes nous ont confié qu’auparavant, les insultes ou la violence domestique relevaient du cadre familial et
« C’est pour elle… et pour toutes celles qui vivent la même situation », répète-t-elle.
Depuis 2021, la collaboration avec l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) sur des projets tels que les familles d’accueil transitoires et la protection des personnes vulnérables a permis à l’ONG de renforcer son expertise et de s’intégrer dans un réseau d’acteurs clés, aux côtés des ministères de la Santé et de l’Éducation, ainsi que d’autres agences des Nations Unies présentes en Mauritanie. Ces alliances sont essentielles pour répondre à des besoins immenses avec des ressources limitées.
« L’un des plus grands défis que je rencontre, c’est la gestion des attentes des bénéficiaires dans un contexte où les moyens restent contraints », souligne Fatimata.
Malgré des campagnes de sensibilisation, les défis persistent. Pour elle, la solution passe par une approche globale : éducation, sensibilisation, réformes légales et autonomisation économique des femmes.
« Je rêve d’une Mauritanie où l’égalité entre les sexes ne sera plus un idéal, mais une réalité vécue au quotidien », confie-t-elle. Cette vision ambitieuse ne pourra se concrétiser, elle en est convaincue, que par une mobilisation collective : citoyens, institutions, ONG, médias et secteur privé. « Ensemble, nous pouvons faire évoluer les mentalités, protéger les victimes et construire une Mauritanie où chaque femme vit libre, respectée et en sécurité. »
Son message aux jeunes filles et femmes mauritaniennes résonne avec la force des convictions nées d’une indignation transformée en action : « Ayez confiance en vous. Luttez pour vos droits. Et souvenez-vous : vous méritez le respect, la sécurité et la liberté. »
Histoire rédigée par Maha Fahli, OIM Mauritanie. mfahli@iom.intmailto:gscoppa@iom.int